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Hebdo93

Rubrique : « Je sors de ma coquille » et « J’y vais » par J. V


Quand le théâtre s’engage :

Cette semaine, heureusement surpris par des créations qui bousculent un peu notre réflexion ! Enfin du théâtre tel que nous en avons besoin pour casser notre petit ronron culturel habituel.

Parlons d’abord de la pièce de Jocelyne Sauvard " Lethal Romance " OU " Mortelle rap-sodie " qui se joue actuellement … l’Art Studio Théâtre dans le 19ème. Mise en scène par Kazem Shahryari jusqu’au 29 novembre.

Il s’agit d’un sujet sur lequel on doit débattre, se battre, découdre et croiser le fer pour provoquer le plus possible d’étincelles : sujet sur la peine de mort. Il est vrai que la mort est déjà une peine en soit mais quand elle est convoquée par une société‚ pervertie par un insomniaque désir de protection absolue, elle devient alors objet de torture. C’est ce que démontre ce spectacle manifeste qui nous fait participer à l’attente ultime d’un condamné dans le couloir de la mort.

Soyons bref, Nous avons peu de temps à vivre dans cette société‚ mise en abîme !

Le sujet : Il est cruellement simple " Dean Flechette, jeune afro-américain de 16 ans a été condamné à mort, dans un Etat du côté de chez Mickey ! Pour le meurtre d’un blanc. Il attendra 15 ans avant d’être exécuté ". Nous public, on devrait essayer de prendre conscience de cette angoisse en directe. On a de la chance, une mise en scène efficace nous fait faire le bond des quinze ans en une heure quarante cinq.

Malgré‚ la gravit‚ du sujet la démonstration reste un spectac1e et l’équipe a trouvé suffisamment d’habileté‚ pour installer des temps qui sont les temps du théâtre. C’est à dire donner à entendre et à accepter des réflexions par l’artifice de l’humour, de la convention du jeu, des pirouettes de mise en scène qui offrent en parallèle les différents types de comportements des personnages. En fait toute une dialectique très éc1airée se développe devant nous, témoins et presque jurés de cette affaire. De fait est que le dispositif scénique nous enchâsse quasiment dans 1’action. Que l’on participe de façon spatiale à toute cette acoustique du monde carcéral.

Des bruits que l’on ignore quand on a seu1ement goûté aux fruits de la liberté. Des bruits qui vont se transformer dans la tête de notre malheureux héros.

L’écriture de Jocelyne Sauvard est efficace, incisive mais à la fois, elle a la pudeur d’être discrète pour éviter tout artifice bavard. On pourrait conventionnellement dire qu’elle se met au service de la mise en scène, mais nous préférerions préciser qu’elle est une matière inductrice pour le metteur en scène. Il y a là et c’est sans aucun doute une rencontre entre un auteur qui tient un sujet, oiseau blessé dans son petit mouchoir ! et qui le donne à respirer à un souffleur de théâtre. On appelle cela un metteur en scène.

Si l’on continue à filer cette métaphore un peu décalée par rapport à ce sujet carcéral, il y aurait alors ouverture de la cage poétique. Et c’est là une fois de plus, toute la magie du théâtre et du spectacle vivant.

Ce spectacle est tout public. Il est vivement conseillé aux adolescents qui peuvent entraîner leurs animateurs et leurs professeurs à venir découvrir un sujet dont ils pourront débattre.

A signaler la lutte personnelle que mène depuis 1986 Kazem Shahryari pour animer l’Art Studio Théâtre qui présente régulièrement des spectacles concernant les urgences de notre temps.

A préciser que la pièce de Jocelyne Sauvard est éditée aux Editions l’Harmattan et qu’elle vient de sortir un très beau livre de nouvelles concernant le monde rural" les Grands Barrages " Un rythme haletant et actif qui sait aussi prendre des ponctuations attachantes pour nous décrire ses personnages. Aux éditions "La Passe du Vent". Nous aurons l’occasion d’en parler ultérieurement dans une rubrique spéciale littérature.

Pour le spectacle " Lethal Romance " Art Studio Théâtre 120 bis rue Haxo. Paris 19 jusqu’au 29 Novembre – Mardi - Mercredi - Vendredi - Samedi 20 h 30 Prix des places 80f et 5Of- (Tarif réduit à 50f pour les lecteurs de Hebdo 93).

Jacky VIALLON