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Kazem Shahryari

L’homme qui savait voir le fantastique dans tout ce qui fait la vie


Le souffle de la steppe court dans le champ de vision d’Anton TCHEKHOV et l’angoisse de l’homme s’y mesure à la grandeur des cieux.

Pourtant, un désir traverse tous ses écrits, un désir de rire, une envie de théâtre comique. Pourquoi ? La raison en serait-elle la légèreté de conscience de ses personnages, leur ignorance par rapport à la mort, l’oubli d’une douleur ou simplement l’envie de se distraire ? L’illusion et l’incapacité de comprendre la vie de l’instant ? Attendre, pourquoi attendre ? La peur ? L’incapacité à prendre une décision seul ?

Pourquoi l’individu est-il souvent incapable de prendre une décision tout seul ? Exception faite du suicide, et encore, puisque même pour cet acte, il lui faut un coup de main, un coup de pouce. Il lui faut un avis, un guide et, ceci, pour prendre un chemin que l’on pourrait appeler « le chemin vers l’inconnu ». Oui, l’inconnu fait peur à l’homme. Et TCHEKHOV a bien visité cette peur de l’inconnu.

TCHEKHOV a su réinventer l’attente qui précède l’action. Car il faut à l’homme un guide pour prendre ce chemin. Un guide pour l’amour ou pour la mort. Un guide pour ce chemin que nous avons tous l’obligation de prendre.

Comment peut-on vivre cet instant provisoire, passager ? TCHEKHOV, lui, prélève une certaine moralité dans cette attente, la moralité de la peur, la nécessité d’une reconnaissance chez des personnages qui n’osent pas exprimer leurs désirs, leur besoin primaire. Ils s’accrochent à une attente, l’attente d’un accident peut-être, ce qui leur permettra de poursuivre leur chemin vers l’avant. Ils remporteront peut-être un instant de satisfaction, de gaieté, de rire, de joie... Tout ceci en contradiction avec ce que nous comprenons du vrai bonheur… Tous les personnages planent avec un air de bonheur et ceci fabrique le chantier de l’écriture tchekhovienne, sa comédie.

La joie d’un homme ivre qui se fait écraser par un fonctionnaire de la mairie, accident qui permettra la publication de sa photo dans le journal local. Voici la moralité ou la légèreté de la vie telle quelle, sans mépris, sans se laisser atteindre par l’ombre de la méchanceté. Dans une gare, l’auteur observe et nous livre la voix des personnages. Et nous entendons même parfois son propre rire à ce grain de folie qui traverse chaque jour notre quotidien. Voilà Anton TCHEKHOV entre les histoires et les hommes qui l’entourent et le devoir qu’il se fixe, et la moralité et la descente dans un enfer de légèreté et de facilité.

Attendre pour apprendre, attendre pour voyager, attendre pour prendre une décision, attendre pour être appelé, attendre pour jouir, attendre pour mourir…

Ainsi l’attente devient-elle le thème principal d’un auteur…dans la légèreté de son regard sur la vie où tout est fantastique. Une vie qui, pour lui, touche trop rapidement à son terme…

Un homme va demander aujourd’hui la main d’une femme qu’il devrait éviter. Il pénètre sur un ring de boxe pour recevoir les coups qui modifieront son avenir…

Kazem SHAHRYARI