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Mon Général de Marcel Zang

Théâtre au vent, blog LeMonde

Tout se passe comme vous si vous introduisiez dans le cerveau d’un vieil africain à Paris, et que vous découvriez dans les flaques de ses rêves la figure du Général de Gaulle et celle de Marlène Dietrich. Cela peut nous paraitre complètement fou parce que nous avons oublié que nos frères et sœurs colonisés d’Afrique et d’Indochine se sont trouvés engagés dans les grands évènements de l’Histoire de France pendant la 1ère et seconde guerres mondiales quand ils croyaient de bonne foi, agir pour la bonne cause, la libération de la France « martyrisée », auréolée par sa devise « Liberté, égalité, fraternité ».

Marcel ZANG n’y va pas de main morte pour laisser la parole à son personnage Augustin, politiquement incorrect parce qu’il passe au travers des discours politiques, des manuels d’histoire, en un mot il est difficilement récupérable parce que l’histoire qu’il se raconte, il l’a fabriquée lui-même, de toutes pièces, à partir de ses souvenirs d’enfance, ses émotions et ses rêves. Elle est imperméable à la réalité qui d’ailleurs se moque de lui.

Marcel ZANG, écrivain français, né au Caméroun en 1954 et arrivé à Nantes en 1963, s’est inspiré de personnages réels pour écrire sa pièce. Il nous dit en souriant « La réalité dépasse la fiction ». Il n’y a pas d’individu qui n’ait pas sa petite histoire et il faut croire que c’est au théâtre que le commun des mortels, en chair et en os peut exprimer sa vérité, pour se retrouver humainement, pas seulement sur le papier ou virtuellement à la télé.

Jusqu’où peut- on aller au théâtre pour exprimer que même noyée dans la masse, elle est toujours là cette parcelle d’humanité qui faisait dire à Shilock, le marchand de Venise « Ne suis-je pas de chair comme vous ? »

Cette chair existentielle, celle dont on ne parle pas sauf pour mettre un bouquet sur la tombe du soldat inconnu ou dans les faits divers, Marcel ZANG en est tout imprégné. Elle est complexe, elle devient plusieurs et trouve sa voie au théâtre grâce à un metteur en scène passionné Kazem Shahryari et des comédiens complètement investis. .

Marcel ZANG nous dit que pour lui c’est l’émotion qui prime et Kazem SHAHRYARI qu’il s’attache essentiellement aux détails et qu’il déteste la grande Histoire qui les supprime allégrement.

La vérité c’est que l’émotion, elle gagne le public charmé, lui aussi de penser qu’il n’est qu’un détail, parmi Augustin et les autres, heureux grâce à Marcel Zhang, d’avoir pu rencontrer ces mêmes gens, qu’il a croisé dans le métro sans jamais leur adresser la parole « Et toi, c’est quoi ton histoire ». Un détail n’est-ce pas !

Et pourtant, ce n’est pourtant pas rien de remonter le fil de ce que disent ou ne disent pas les gens qui se côtoient quotidiennement mais qui gardent en soupape, leurs rêves, leur passé. Ce n’est pas rien parce que ce fil, ces fils sont les vaisseaux qui forgent notre mémoire physique. Les racines, voyez-vous les racines de notre vécu, ont beau être souterraines, savoir qu’elles puissent passer à travers nos yeux, nos gestes, nos perles de sueur à travers des comédiens, cela nous coupe le souffle.

En pleine création, « Mon Général » peut se prévaloir aussi de l’imagination du metteur en scène et des interprètes qui colorent les propos des personnages avec un naturel désarmant.

A l’affiche plutôt surréaliste, la figure du Général de Gaulle semble sortir d’une main noire. Croyez-moi, il ne s’agit pas d’un mirage, le spectacle « Mon Général » existe bel et bien, et mérite d’être applaudi et encouragé par tous les amoureux du théâtre, le vrai, celui qui transpire, à dimension tout juste humaine.

Paris, le 24 Novembre 2012

Evelyne Trân

MON GENERAL de Marcel ZANG, mise en scène de Kazem SHAHRYARI à l’ART STUDIO THEATRE 120 Bis rue Haxo 75019 PARIS du 22 Novembre au 21 Décembre 2012

Avec : Alain Dzukam, Lélé Matelo, Odile Roig, Basile Siékoua, Paul Soka et Tadie Tuen. Régie : Jean-Michel Gratecap.

Les jeudis, vendredis et samedis à 20h30

Reprise les 18 et 19 janvier 2013 à l’Espace 1789 - Saint Ouen et du 24 au 26 janvier à l’Art Studio Théâtre.

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