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Notes de travail

Ce projet est né de ma rencontre avec le danseur Afshin Ghaffarian. J’ai toujours été attiré par la danse mais je n’ai jamais eu l’occasion de la mettre en scène.

J’avais écrit, il y a plusieurs années, « Résurgence » l’histoire d’un homme qui est face à un miroir, dans lequel il se regarde... Face à lui-même, il est entouré d’une dizaine de téléphones, qui sonnent... Mais il ne peut pas répondre, il est masqué et sa bouche est cousue. Il voit, il entend mais il ne peut pas répondre...

Cet homme se maquille avec soin... Son reflet lui déplaît, il prend un scalpel et il arrache sa peau... Il brandit sa peau devant lui dans le miroir... Il voit son deuxième visage, jette celui qu’il vient d’arracher, et se met à retravailler celui qu’il porte.

Il se remaquille, différemment cette fois. Il se dessine de grands sourcils, de grands yeux. Le téléphone sonne, il prend le téléphone puis un autre, mais ne peut toujours pas répondre... Il entend des choses, on peut supposer qu’il s’agit de la voix d’un poète qui lui fait un compte rendu sur le monde par un poème ou un récit...

J’ai voulu que ce soit Afshin qui joue ce personnage, qui mette des moustaches, qui se les arrache, qui se peigne les lèvres en rouge, qui se les enlève... qui se remaquille, remodèle son visage sans cesse... comme si la voix remettait en cause sa façon de penser. Il voudrait annoncer au monde ce que dit la voix, mais il n’y arrive pas... Il voudrait l’écrire sur un papier qu’il nous montrerait, mais il n’y arrive pas... parce que le téléphone sonne et re-sonne et qu’il se remet à se maquiller...

Au bout du compte, il enlève à peu près douze peaux... A la dernière qui lui reste, sa bouche se libère, dont peuvent sortir des voix... mais pas sa voix... Comme s’il ne pouvait toujours pas parler, comme s’il ne connaissait pas le langage.... Une fois que sa bouche est ouverte et qu’il peut détendre ses jambes, il essaye de se lever... Il met un temps à ramasser ses jambes, à libérer ses bras... Mais il n’a pas de bras, il a des ailes. Et alors il s’envole dans le ciel.

Je voulais qu’Afshin s’investisse dans mon récit, donne du corps à mon récit. Il a accepté de jouer le jeu. On a commencé les répétitions de « Résurgence ». Mon esprit s’est mis à travailler... en totale contradiction la nuit avec le travail effectué le jour.

Il ne fallait pas refaire « Résurgence »... l’idée m’est venue d’en faire un film toujours avec Afshin mais d’y superposer un deuxième récit. C’est là que je lui ai écrit 16 tableaux dansés et que le spectacle est devenu cette Danse en vol. Le Vol vient de l’idée de résurgence et la danse vient d’Afshin. Danse et envol ne font plus qu’un. Et, moi, je me suis envolé dans l’écriture chorégraphique et musicale...

Au final, 16 tableaux chorégraphiés d’une durée d’environ une heure. Ils complètent une histoire qui démarre par la résurgence. J’ai respecté l’idée de vie. Afshin sort du film vient nous conter les 16 séquences puis retourne dans le film pour libérer le personnage de la résurgence. C’est lui qui va l’aider à prendre son envol. Le personnage sort de l’écran. Mais lui-même reste prisonnier. Puis survient la fin tragique dont le dénouement ne peut venir que du public. En me « niant », je me suis permis de créer quelque chose qui n’était pas attendu. Je me suis surpris moi-même en composant notamment une musique originale avec quelques influences de Bartok.

Dans mon idée de parfaire cette création, il faudrait qu’Afshin rejoue la résurgence dans la nature dans un film qui soit un récit du passé pour pouvoir intervenir et libérer ce passé dans un champ d’avenir grâce à son engagement à se faire piéger dans une cage, une cage artistique.

Le cinéma aide l’art vivant à se mettre en place. Une fois l’art vivant en place, il faut libérer le cinéma qui est un art arrimé à la mémoire, pour que l’art vivant des incertitudes puisse survivre.